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Histoire vrai ou inventée? 'La patience est une vertu.'

En ce printemps 2005, le café "Le Temps Suspendu" portait bien son nom. Un havre de paix où les conversations murmuraient et les tasses de café cliquetaient doucement. Pourtant, pour Alexandre, la patience était une vertu inconnue. À 45 ans, cet homme d'affaires au succès fulgurant était un concentré de tension, une forteresse d'arrogance et d'autosuffisance. « Je n'ai besoin de personne, » était sa devise tacite, gravée dans chaque ligne de son visage tiré. Non, en fait, on le lui avait recommandé.

Le coach, un homme d'une trentaine d'années, aux yeux calmes et au sourire empreint de sérénité, l'attendait à une petite table près de la fenêtre, un simple carnet à la main.

« Monsieur Lambert, bienvenue. Prenez le temps de vous installer, commandez ce qui vous plaît. »

Sa voix était douce, sans aucune once de précipitation.

Alexandre s'assit brusquement, posa sa mallette avec un bruit sec et commanda un expresso sans même regarder le serveur.

« Bien, alors. On y va ? J'ai pas toute la journée. »

Le ton était franc, presque agressif. L'idée de se faire "coacher" par ce jeune homme, visiblement plus jeune que lui, ne faisait qu'ajouter à son agacement et à son autosuffisance.

Le coach sourit calmement.

« Nous avons tout le temps nécessaire, Monsieur Lambert. Chaque instant est précieux, surtout celui-ci. Dites-moi, qu'est-ce qui vous amène aujourd'hui, ici, avec moi ? »

Alexandre leva un sourcil, agacé par cette lenteur délibérée.

« Rien ne m'amène ici. On m'a recommandé de vous voir, soi-disant pour ma patience, mais je ne sais pas ce que je fais là. »

 Il regarda autour de lui, l'air de dire "Est-ce que j'ai vraiment besoin d'être là pour ça ?". Il balayait du regard les autres clients, les serveurs, sans y accorder de réelle attention. Son esprit était déjà ailleurs, à sa liste de tâches, à son prochain rendez-vous. Il était venu, c'était tout. Qu'est-ce que ce « coach » allait bien pouvoir lui apprendre qu'il ne savait déjà ? La séance s'écoula, ponctuée de ses interruptions, de ses impatiences. Le coach, lui, resta imperturbable, l'écoutant, posant des questions ouvertes, sans jamais le presser, offrant une attention si particulière, si non-jugeante, qu'Alexandre en fut presque désarçonné.

À la fin de la rencontre, alors qu'Alexandre se levait, le coach le regarda avec un sourire serein.

« Ce fut très intéressant comme première rencontre, Alexandre. Merci pour ce que vous m'avez apporté. J'ai hâte de savoir la suite. »

En partant, Alexandre pensa : "Qu'est-ce que je fous là ?" Mais cette fois, la question était teintée d'une nouvelle nuance. L'étonnement du "merci" du coach, et cette phrase étrange sur ce qu'il aurait "apporté", l'intriguait. Alexandre partit en se posant des questions encore plus nombreuses, une curiosité inattendue s'installant dans son esprit habituellement si fermé.

Deux semaines plus tard, Alexandre était de retour au "Temps Suspendu". Il n'avait pas compris pourquoi il était revenu, mais il était là. Le coach l'accueillit avec le même calme.

« Content de vous revoir, Monsieur Lambert. Comment vous êtes-vous senti cette semaine ? »

Alexandre fut plus direct.

« Toujours la même chose. J'ai failli exploser avec un de mes employés pour une histoire de dossier en retard. J'ai besoin de travailler ma patience, et vite. C'est mon problème principal. »

L'arrogance était toujours là, mais une fissure s'y était glissée, révélant une pointe d'agacement sincère envers lui-même.

« Je ne supporte pas d'attendre. Les files, les réponses, tout. »

Le coach hocha la tête.

« D'accord. Donc, votre objectif est de gagner en patience. Excellent. Quand cette impatience apparaît-elle le plus souvent ? Et surtout, qu'est-ce qui se passe en vous juste avant de la perdre ? »

Il l'invita à décrire en détail ces moments, à explorer les sensations physiques, les pensées qui précédaient l'explosion. Alexandre, étonné par cette approche si précise, se laissa guider, non sans quelques soupirs d'impatience. Le coach l'aida à prendre conscience de sa respiration, de son corps, de la vitesse de ses pensées. Pour la première fois, Alexandre commença à observer son impatience, plutôt que de la subir.

La troisième séance fut marquée par une légère évolution. Alexandre arriva un peu moins tendu. Le coach l'invita à une expérience simple : observer la préparation de son café.

« Regardez les gestes du barista, la vapeur qui s'échappe, le temps que prend l'eau pour infuser le grain. Voyez chaque détail. »

Alexandre grommela d'abord, mais se prêta au jeu. Il remarqua la délicatesse avec laquelle le barista tenait la tasse, la spirale de lait versée pour le latte d'une autre cliente. Des détails qu'il n'avait jamais "vus" auparavant. Le coach l'encourageait à ralentir sa respiration, à prendre de courtes pauses avant de parler. Il lui donna des exercices simples à pratiquer au quotidien : respirer profondément cinq fois avant de répondre à un e-mail pressant, observer la texture d'un aliment avant de le manger.

« La patience, Monsieur Lambert, c'est aussi savoir décélérer pour percevoir davantage. »

Alexandre commençait à entrevoir un lien entre sa hâte et son manque d'attention au monde qui l'entourait.

À la quatrième séance, un changement notable était palpable. Alexandre ne s'était pas précipité pour commander. Il avait même remarqué les fleurs fraîches sur la table et le léger rayon de soleil traversant la baie vitrée. Il semblait… plus ouvert d'esprit.

« Alors, Monsieur Lambert, comment s'est passée cette dernière quinzaine ? »

Un sourire, presque doux, éclaira le visage d'Alexandre.

« Mieux. Bien mieux. J'ai… j'ai appliqué vos conseils. Et c'est étrange. La semaine dernière, j'avais un rapport crucial à finir, une échéance serrée. D'habitude, j'aurais paniqué, j'aurais travaillé dans le stress, fait des erreurs, et j'aurais sûrement fini tard. »

Il fit une pause, un regard pensif.

« Mais cette fois, j'ai pris cinq minutes pour respirer avant de commencer. J'ai fragmenté le travail, fait des micro-pauses pour regarder par la fenêtre. Et… j'ai fini le rapport en moins de temps que prévu. Et avec moins de fautes. »

Le coach le regarda avec bienveillance.

« Vous voyez, Monsieur Lambert. En prenant le temps de respirer, de percevoir, de ralentir vos actions, vous avez non seulement diminué votre frustration, mais vous avez en réalité doublé la qualité et l'efficacité de votre travail. Votre quantité de travail n'a pas diminué, elle a été optimisée par une meilleure approche. La patience n'est pas une perte de temps, mais un levier. »

Alexandre s'appuya sur le dossier de sa chaise, un air pensif. L'arrogance avait cédé la place à une humble reconnaissance. Ce "Mr. J'ai besoin de personne" avait compris que, parfois, la plus grande force résidait dans l'art de s'arrêter, d'observer, et de laisser le temps faire son œuvre. Il avait découvert que la patience n'était pas une faiblesse, mais une stratégie, une clé inattendue pour décupler son efficacité et retrouver une forme de paix. Les objectifs de vie, qu'il avait jadis poursuivis avec acharnement et frustration, semblaient désormais plus accessibles, à son propre rythme.

 
 
 

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